Les voitures lancées, il faut profiter de ces premiers instants pour gagner des positions ou ne pas en perdre. « C'est un tour complètement différent parce que, déjà, on est tous en peloton, insiste Gasly. Faire les bons choix, prendre les bonnes lignes. Gérer au mieux ces instants où il y a beaucoup plus d'opportunités qu'en temps normal, beaucoup plus d'actions et beaucoup plus d'informations à traiter et à gérer. » Le Français détaille sa manière d’agir, qui confine à l'automatisme, pour se faciliter la vie au moment où les infos se pressent dans le cerveau : « Sur le premier tiers du circuit, on est assez concentré sur du pur pilotage, sur du placement, et on n'a pas trop besoin de toucher au volant. Après, il faut qu'on passe en mode course pour ne pas gaspiller l’énergie. Moi, je mets un peu plus de freins sur l'arrière pour éviter de bloquer les avants. Pour le premier tour, j'utilise toujours quelque chose qui est un peu plus agressif. Et après, je repasse plus sur quelque chose de stable. »
Ce que confirme son compatriote chez Alpine : « Il ne faut surtout pas oublier, parmi la multitude de paramètres à gérer, de changer le mode de la batterie: au moment du départ, on a déployé le maximum de puissance pour gagner le maximum de places. Mais si on garde ce mode-là, la batterie va se vider et l’on ne pourra plus l’utiliser pour se défendre sur la prochaine ligne droite. »
En repassant en mode course, les pilotes reprennent alors le cours d’une vie « normale ». Celle où il faut veiller aux trajectoires, surveiller les adversaires et soigner sa monture. Les mains sur le volant ne servent plus seulement à le tourner, elles viennent maintenant le manipuler, plongeant au milieu de la forêt de boutons et de molettes. Pour eux, il ne s’agit pas de changer de station de radio ou d’actionner les essuie-glaces tout en surveillant la route mais plutôt de gérer une usine à gaz à plus de 300 km/h.
PIT : régulateur de vitesse pour entrer dans la voie d’arrêt aux stands (80 km/h sur la plupart des circuits, 60 km/h sur les plus étroits et dangereux comme Monaco). S’enclenche à la ligne blanche marquant l’entrée des stands.
R (RADIO) : communication avec le stand. Dans la plupart des écuries, seul l’ingénieur pilote est habilité à parler au pilote.
OK : bouton de validation destiné au pilote lorsqu’il ne veut pas ou ne peut pas répondre pour les stratégies ou les retours au stand par exemple. Peut également aider à la validation de problème lorsque les ingénieurs signalent une anomalie détectée par la télémétrie.
OV (OVERTAKE) : dépassement. Sollicite plus depuissance du moteur en utilisant une partie ou la totalité des batteries. Une dizaine de chevaux si l’on utilise tout d’un coup, soit un gain de quelques dixièmes en bout de ligne droite.
N (NEUTRAL) : point mort.
RCH (RECHARGE) : enclenche le mode recharge de la partie hybride du moteur. Depuis 2014, le moteur est un V6 turbo compressé avec deux possibilités de récupérer de l’énergie : au freinage comme sur les voitures de série et à la sortie de la turbine.
PU (POWER UNIT) : gestion du moteur
SCENARIO : gère les différentes positions du moteur pour attaquer ou au contraire économiser de l’essence.
SOC (STATE OF CHARGE) : réglage de la partiehybride. Gère la récupération de l’énergie et son utilisation.
TORQUE : couple moteur. Le couple est la force du mouvement de rotation du moteur et conditionne la capacité des roues à faire passer plus ou moins rapidement l’accélération demandée par le pilote au sol.
ENTRY : différentiel. Modifie la manière dont le couple va s’appliquer aux roues à droite ou à gauche afin de faire tourner plus vite les roues qui sont à l’intérieur d’un virage ou à l’extérieur. Ici pour l’entrée du virage.
MID (MIDDLE) : différentiel pour milieu de courbe.
BRAKE BALANCE : répartition du freinage selon les besoins vers l’avant ou l’arrière de la monoplace afin d’éviter les blocages de roue qui endommagent la gomme.
BSHAPE (BRAKE SHAPE) : modifie la répartition du freinage dans un virage. Plus vers l’avant à l’entrée, plus vers l’arrière en sortie, par exemple.
PARTIE HAUTE : commande « à la demande » du pilote pour agir sur le freinage, le différentiel...
PARTIE CENTRALE : passage des vitesses, mon-ter/rétrograder. Les F1 ont aujourd’hui huit vitesses, une marche arrière et un point mort.
PARTIE BASSE : embrayage. Même manette de chaque côté. Utilisé seulement pour enclencher la première vitesse.
Un ordinateur aux multiples actions possibles pour régler, depuis le baquet, la voiture et le moteur en fonction des besoins de la piste ou du moment. « Il y a des circuits où je fais peu d'actions parce que les virages se ressemblent et la voiture se comporte de manière similaire d'un virage à l'autre, rappelle Gasly. Mais après, il y a des tours où ça peut aller facile à 35 fois. Ce sont des moments où je dois appliquer des demandes de mon ingénieur. ''Strat 56'', par exemple, c’est un paramètre sur le moteur de la gestion d'énergie, sur l'essence qu'on va consommer. Et là, on va appuyer une fois sur ''fail'', cinq fois sur 10, six fois sur le 1 et une fois sur ''fail''. » Tout ça à pleine vitesse, et parfois dans le peloton !
Pour se faciliter la vie, les pilotes ont donc des raccourcis sur le volant d’où ils peuvent, selon les pistes, programmer une suite d’actions sur un bouton ou une molette. « Sur mon volant, j’ai des palettes qui vont me changer soit la répartition des freins, soit la cartographie moteur, soit un différentiel », confie Gasly. Ocon, lui, a mobilisé deux des six palettes derrière le volant pour gérer ses différentiels.
« Pour cela, le gainage est très important, rappelle Ocon, tout ce qui est abdos et lombaires bien sûr, mais aussi le gainage interne de tous les organes... Quand j’ai commencé en F1, je sentais pas mal de choses, ça bougeait à l'intérieur de moi et ce n'était pas très plaisant. J’ai donc beaucoup travaillé tout ça. Et le reste aussi, le cou, les jambes, les quadriceps et même les muscles autour de la cheville ou du mollet. Il faut de la force pour appuyer sur la pédale de frein, parce qu’on n'a pas d'assistance au freinage en fait, ni l’ABS. Comme pour les voitures de série... »